She's | 23 Mar 2021

Julie Wilson : vision d’avenir d’une pionnière scolaire

Davantage d’autodétermination pour les enfants

INTERVIEWS : VERENA RICHTER // ILLUSTRATIONS : JULIA PRASCHMA // PHOTOS : D.R.

Comment imaginez-vous l’enseignement du futur ?

  • JULIE  :  

    Il s’appuiera sur des projets interdisciplinaires comme ceux qui sont menés dans la High-Tech-Middleschool en Californie. Des enfants en sixième y ont construit leur propre aire de jeux. Ils ont mesuré le terrain et exploité des statistiques, utilisant les mathématiques. Ils ont travaillé avec des architectes et Google Sketch pour développer des modèles en 3D, s’appuyant sur les cours d’arts plastiques et d’informatique. Et ils ont défendu leur projet en public, un exercice plus enrichissant que n’importe quel cours magistral.

Comment évaluer l’empathie, par exemple, en tant que matière scolaire ?

  • JULIE  :  

    Il faut une nouvelle culture d’évaluation. Nous n’attachons pas assez d’importance à ce que nous évaluons, et nous n’évaluons pas assez ce à quoi nous attachons de l’importance. En d’autres termes : nous voulons que nos enfants soient curieux, empathiques, autonomes et capables d’éviter des conflits. Mais on ne leur enseigne pas ces aptitudes à l’école, à l’inverse d’autres compétences et connaissances qu’ils n’utiliseront peut-être jamais.

Quelle est la faille dans notre système éducatif ?

  • JULIE  :  

    Que rien ne bouge alors que le monde change. Qu’il soit toujours conçu comme détenant le monopole des contenus. Or ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, c’est Google qui occupe cette place. En outre, l’enseignement est encore et toujours en grande partie basé sur la maîtrise du langage, de la logique et de la mémorisation. Par conséquent, les enfants possédant d’autres capacités et points forts quittent l’école avec une étiquette de raté.

Qu’est-ce qui doit changer ?

  • JULIE  :  

    Il s’agit de stimuler la curiosité des enfants. De les encourager à apprendre davantage par eux-mêmes et de dépasser les limitations propres aux tests standardisés. Il faut aussi revoir le rôle de l’enseignant, qui ne doit plus transmettre des connaissances mais accompagner l’apprentissage. Pourtant, nous nous accrochons à de vieilles croyances : il faut aller à l’école, bien étudier, avoir de bonnes notes, pour aller ensuite à la fac. Et à la fac il faut continuer de bien étudier pour avoir un bon job. Mais ce concept est dépassé. Cela ne marche pas comme ça pour de nombreux enfants et jeunes adultes.

Autrement dit : nous apprenons à nous adapter, mais pas à développer notre personnalité…

  • JULIE  :  

    Un jour, une fille de 14 ans m’a demandé quand elle pourrait enfin faire ce dont elle avait envie. Je lui ai répondu que des personnes de 30, 40 et 50 ans me demandaient souvent la même chose. Et qu’à tout âge nous sommes tentés de remettre notre vie à plus tard.

Comment pouvons-nous améliorer le système ?

  • JULIE  :  

    La pandémie actuelle nous aide peut-être, car elle prouve que notre système éducatif n’est pas adapté à l’avenir. L’école actuelle va disparaître dans les années à venir. Après tout, pourquoi devrions-nous, disons en 2023, continuer à tout faire comme avant ? J’espère que d’ici-là, beaucoup de choses auront changé.

Votre souhait pour l’avenir ?

  • JULIE  :  

    Que les enfants apprennent à quel point leurs propres pensées sont importantes, et qu’ils peuvent améliorer le monde, aussi jeunes soient-ils.

Quel rôle pour les professeurs dans cette approche ?

  • JULIE  :  

    Ils veillent à ce que les enfants deviennent autonomes. D’ailleurs, on ne les considère plus comme des professeurs, mais comme des guides. Ils aiguillent les enfants pour que ceux-ci résolvent eux-mêmes leurs problèmes, plutôt que de les résoudre pour eux. L’importance de cette approche est illustrée par des études portant sur de jeunes adultes actuels, qui ont grandi avec des parents hélicoptères. Nombre d’entre eux sont très angoissés et ne se sentent pas prêts pour affronter les défis de la vie.